LAETITIA ANGOT


 LAETITIA ANGOT

Ses danses sont des danses de peu. Elles sont bigarrées : comme suspendues entre minimalisme et baroque. Elles se forment sur le modèle du champignon et/ou du chou-fleur. Elles sont un mode choisi de connaissance, un mode d’avant la pierre, d’avant les mots. Elles s’épanouissent en élaborant des conditions de lisibilité de l’expérience en cours qui les forme. En ce sens elles sont et brutes et fragiles. Elles sont adressées. Elles s’inscrivent par leur mode de fabrication dans un geste politique : être engagé, en ouverture, dans le goût du frottement aux différences, du métissage, du bricolage. Aussi, elles flirtent avec les danses nées sur le Mississipi, les cake-walks, le butô et le burlesque. Elles expérimentent souvent l’élasticité et le raté à l’endroit du tremblement, de la frappe. Elles sont parfois punk et mélancoliques, pathétiques et grotesques. Les glossolalies qui en sortent portées par l’air, empruntent à la part la plus archaïque du langage. Elles sont hantées. Elles sont enclines à forer les affects comme des enfants, creuser vers là où s’élabore le degré zéro du signifiant, là où l’on pourrait surprendre le sens à l’état naissant : peut-être dans le rythme ? Elles se tissent dans la question « où commence la danse ? ». Elles se créent à la rencontre, de soi, de l‘autre.

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LÆTITIA ANGOT Chorégraphe

CONTACT +336 81 34 19 72 / langotxx@gmail.com

 

La danse constitue, pour elle, un mode choisi de connaissance. Formée à la danse classique puis à l’Université Paris VIII en arts du spectacle, Paul Marchal, Jean-Claude Fall, Claude Buchevald, Stanislas Nordey l’initient au théâtre. Serge Tranvouez lui transmet les techniques d’entraînements physiques développées par Didier Georges Gabily et Yves Lorelle du Centre National du Mime sa culture des pratiques rituelles.

Elle entre à l’École du Samovar de Bagnolet en 1999 où elle rencontre Philippe Dormoy, Catherine Dubois, Frédéric Blin et un théâtre physique qui puise au mime Decroux, au masque, au clown et à l’improvisation. Elle affine auprès de Joyce Anderson du Théâtre de Complicité à Londres son rapport au slapstick et à la dramaturgie par le mouvement.

Après un travail approfondie et fondamental en danse Butô auprès de Yumi Fujitani, Tetsuro Fukuhara et Ko Murobushi, elle rencontre la danse contemporaine par Suzon Holzer, Cécile Loyer, Raphaëlla Giordano, Jean-Jacques Sanchez, Fabrice Dugied, Nacera Belaza, Lisa Nelson.

Ses danses sont apparues dans The Little Match Girl mise en scène par Dan Jemmett crée au Théâtre de la Ville et tournée en Europe durant 5 ans ou dans Seule dans ma Peau d’Âne, mis en scène par Estelle Savasta crée au théâtre de Malakoff, tournée en France et nominé aux Molières. Lazare ou Anne Montfort les ont invitées dans leurs théâtres performatifs.

Au sein de la compagnie L’intestine elle développe deux collaborations marquantes l’une avec le danseur Thomas Chopin (interprète de Nasser Martin Gousset, Karine Pontiès), l’autre avec la chorégraphe Yumi Fujitani (danseuse de Carlotta ikeda et Ko Murobushi). Elle crée et tourne avec eux trois pièces (Festival Mimos, ADAMI, Drac île de France, Espace Tenri, Espace Pierre Cardin-Paris, Festival de Langlade, le Samovar).

Elle assure de nombreuses performances au gré des invitations, festivals, bibliothèques, centre régional du livre, écoles, librairies, musées, galeries, rue et partage sa démarche auprès de nombreux publics (artistes professionnels, scolaires, public en alphabétisation, public en difficulté d’insertion) et ce notamment au Théâtre de Draguignan ou encore sur plusieurs saisons pour la scène Nationale de Belfort. Elle y crée notamment « J’AI FAIT DES GESTES » dansée par des habitants issus des cours d’alphabétisations et en échos aux œuvres de Pierre Yves Freund et Blanca Casas Brulet.

Elle développe en parallèle une danse contemporaine personnelle et crée par NOMME au Théâtre de Verre à Paris et REPOS SUCCESSIFS DE SURFACES aux Tanneries à Amilly pour la galerie l’Agart, dans le cadre de l’exposition Dé- composition, commissaire Sylvie Turpin, BALLET avec le sculpteur Arnaud Vasseux en 2011 (Théâtre du Granit Scène nationale de Belfort-Festival Nouvelles Danses-Pôle Sud Strasbourg-Péniche Antipode-Théâtre de Verre Paris), PARTITA avec la pianiste Marie Duprat en 2012 (Place des Carmes- Vitae Avignon), mais aussi DANSES DE PEU, avec Peter Corser et SE DEFENDRE avec Nicolas Flesh et Lise Marie Barré en 2018. Ses créations reposent sur l’élaboration des conditions de lisibilité de l’expérience qui forme la danse : ce que le mouvement lève comme affects, comme mémoires et ce qu’il permet d’expérimenter et de partager du rapport à soi et à l’autre. Faisant place aux balbutiements et aux tremblements, elle vise à interroger nos conditionnements. Elle cherche, à travers leur mode de fabrication, à inscrire ses créations dans un geste politique : être engagé, en ouverture, dans le goût du métissage et du bricolage.

Elle développe depuis 2015 et encore actuellement un projet Recherche-Action, co-conçu avec l’urbaniste éco-sociologue Zoé Hagel. Ce projet a pris la forme de La Permanence Chorégraphique Porte de la Chapelle et se déploie à Paris au sein des LAACCs (Laboratoires d’Actions Artistiques et de Création Chorégraphiques). https:// laetitiaangot.wordpress.com/

La Permanence Chorégraphique Porte de La Chapelle est une pièce chorégraphique en soi qui se déploie à l’échelle d’un territoire et sur une durée souhaitée longue. 

Elle y déploie des «TABLES CHOREGRAPHIQUES» et des « DANSE RADIO LIVE », des pièces comme autant de formes engagées par et depuis les habitants et les lieux où ils vivent :  « PREMICES DE NOS PAYSAGES », « PASSIONS format 13 min », « PASSIONS format Glisse »,  « PLACES PUBLIQUES», «PARLIZZARANCE ». En mars 2019 elle y déploie « GESTES PERENNES » en collaboration avec Quartiers Solidaires et le PEROU – Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines. 

Trois questions

à  Laetitia Angot, directrice artistique des Laboratoires d’Actions Artistiques et de Créations Chorégraphiques et de La Permanence chorégraphique de la Porte de La Chapelle à Paris.

1.Vous avez initié, en collaboration avec le PEROU (Pole d’Exploration des Ressources Urbaines) et le collectif Quartier Solidaires, des happening en danse notamment en direction des exilés. De quoi s’agit-il ?

La danse constitue pour moi un mode choisi de connaissance. Je m’attache à créer des collectifs informels éphémères et des conditions d’apparition d’évènements singuliers qui puisent à la pratique de la danse, leur imprévisibilité, leurs outils d’improvisations, leur capacité à mobiliser différents régimes d’attention, d’actions, de réflexions et de relations. 

Pour cela j’ai créée avec l’urbaniste éco-sociologue Zoé Hagel en 2015, depuis le lieu que j’habite, au sein des LAACCs, La Permanence Chorégraphique Porte de La Chapelle.  J’y collabore avec des artistes de différents champs, des chercheurs, des institutions, des militants, des acteurs sociaux, d’éducation et de prévention, des habitants de tout âge et classes sociales 

En 2020 c’est dans le cadre de sa résidence en tant que politologue, auteur-chercheur à la Villa Médicis à Rome et de son projet d’inscription auprès de l’UNESCO de L’ACTE D’HOSPITALITÉ au patrimoine mondial immatériel de l’humanité, que Sébastien Thiéry m’a invité comme artiste associée au sein du PEROU-Pôle d’Explorations des Ressources Urbaines.

Afin de mettre en œuvre une pratique qui puisse contribuer à faire acte d’hospitalité, j’ai alors crée Gestes Pérennes en collaboration avec les P’tits Déjeuners Solidaires dont l’action quotidienne a lieu au Jardin d’Eole à Paris. Gestes Pérennes consiste à organiser une présence de la danse une semaine par mois de 8h30 à 12h et sur un jour supplémentaire souvent dédié à une manifestation plus adressée à l’extérieur.

La danse y est avant tout une pratique et est pratiquée comme une question : qu’est-ce qui peut nous mettre en mouvement aujourd’hui, vers moi, vers l’autre, vers le monde, vers d’où je viens, vers ce que je peux dire (de moi, de mes besoins, désirs, histoires, des autres…), vers ce que nous avons envie de faire ou faisons au moment même. En ce sens elle s’adresse aux bénévoles comme aux invités. Elle se propose par ailleurs aussi, aux autres habitants du quartier et membres de la Permanence, qui, invités à y participer, découvre les P’tits déjeuners, les bénévoles, les invités, le lieu. La danse est proposée comme une possibilité de recueillir ce qui a lieu -aussi s’élaborent à mesure des danses (Danses de la Nappe, Danse « ça c’est magnifique », Danse des Prénoms, des Lettres, des Phrases, Danse Alpha …) mais aussi comme un mode choisi de relation, de connaissance, de lecture des situations et de manifestation des présences. La joie et l’enfance -pour son goût de l’expérimentation- sont au cœur de cette pratique, qui associe en permanence réflexion et action, sur soi, sur l’autre, sur le monde.

Les invités et bénévoles sont invités aux pratiques et aux évènements menées dans d’autres lieux du quartier. Les personnes sont le plus possibles orientées selon leurs besoins exprimés vers les personnes ou structures ressources disponibles ou connues.

2. Comment positionnez-vous votre initiative au regard de la notion de médiation ?

En tant qu’artiste je travaille notamment à ce que j’ai choisi d’appeler « une danse du milieu », pour que quelque chose se passe de la possibilité d’un habiter, d’un vivre autrement. Ainsi je tente d’organiser des variations d’expériences perceptives, des lieux et de nous mêmes, à mettre en mouvement et à rassembler à l’échelle d’un territoire donné. Je cherche à travailler nos modes d’être et d’agir, nos modes de relations, à interroger nos conditionnements, nos représentations, nos logiques hiérarchisantes à l’œuvre. L’accompagnement vise au long cours à rendre visible ce qui surgit (affects, mémoires, …) dans le chemin vers des formes simples proposées ou glanées que j’appelle « formules ». J’engage et accompagne un processus de création depuis un partage d’expériences au présent. S’il y a un accompagnement et une transmission d’expériences antérieures et d’outils, il s’engage pour tous et donc aussi pour inclure ma propre émancipation, mon propre apprentissage dans le processus. Il ne s’agit pas pour moi en tant qu’artiste d’être entre (entre les personnes, entre eux et un savoir constitué d’avance par exemple…) mais d’être avec, d’être engagée dans l’expérience au même titre que tous et de constituer un savoir ensemble en chemin et des danses. Bien sûre pour autant, j’influence pour une bonne part ce processus, en en étant l’initiatrice principale et ce guidée à la fois par certains attraits et curiosités, par une intention politique personnelle certainement manifeste, et par certains principes récurrents (dont celui majeure de tenter par exemple de les mettre au jour au cours du travail) mais évidemment, c’est aussi, parfois malgré moi, avec mes propres zones d’inconnu et mes logiques constituées. C’est peut-être notre « danse du milieu » qui « est », en elle même, ou qui « fait », « médiation » et en premier lieu, souvent, entre nous et nous même.

3. Quel bilan provisoire en tirez-vous ?

Des représentations très diverses de ce qu’est la danse et de ce qu’elle peut au sein de notre société sont agissantes sur elle, sur ses modes d’élaboration comme sur ses modes de réception. Après un an aux P’tits Déjeuners Solidaires, au cœur d’une immense diversité culturelle, je n’ai pu que m’apercevoir qu’elle peut galvaniser à l’extrême comme tétaniser et qu’entre ces deux pôles en tension, qui peuvent constituer l’un une instrumentalisation possible, l’autre une forme d’échec, elle sait agir profondément pour diversifier nos incarnations possibles et nos points de vue, qu’on s’implique dans la danse ou qu’on y assiste. Elle sait nous faire renouer avec l’enfant en nous qui jouit en confiance d’expérimenter et de découvrir joyeusement le monde. Elle peut constituer un mode sensible d’appréhension et de connaissance de l’autre extrêmement fin, ouvrant un éventail très large d’expériences communes possibles, capable de produire de réel changement sur nous même et sur nos manières de nous mettre en relation, capable de nous affranchir (au moins un temps) de nombreux conditionnements et habitudes qui entravent nos capacités à faire société, à nous accueillir nous même dans nos transformations tout comme à accueillir l’autre, celui qu’on ne connaît pas.

Peut-être qu’en nommant mieux et plus précisément ce qui est en jeu dans cette pratique particulière de la danse nous pourrions mieux encore agir avec elle car nous en apprendrions encore plus sur elle et donc lui ouvririons des possibles. La médiation peut être un agir. Elle oriente selon ce sur quoi elle s’attarde, la manière dont elle organise son expérience, les finalités comme les moyens qu’elle se donne, ou peut se donner.

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